Interne 2 – par David De Thuin

Ils sont rares, les livres qui, sans prétendre changer notre regard, teintent durablement nos émotions et créent une musique qui accompagne nos vies. La sortie ces jours-ci du second volume d’Interne, recueil de bandes dessinées de David De Thuin, confirme cette impression que nous avions eue en lisant son premier opus paru l’année dernière.

Depuis quelques années, cet auteur prolifique de bandes dessinées s’est lancé dans l’auto-édition. Un travail d’artisan qui lui permet, à côté de ses albums publiés chez les « grands » éditeurs (Dupuis, Casterman, Bayard…) de mettre à jour ses travaux personnels, avec un soin extrême apporté à leur présentation. Après la série « Le Roi des Bourdons » (6 tomes parus de 2005 à 2007)  il s’est attelé, d’abord sur son blog, à raconter l’histoire de sa famille sous forme de pages ou de demi-pages de BD. Un format court, idéal pour capter les instants, faire passer la tendresse et provoquer les rires. Strips, histoires complètes, croquis, projets avortés, c’est à une formidable plongée dans l’atelier de l’artiste auquel nous convie l’auteur. Mais ce n’est pas que ça.

Au fil des pages, nous suivons donc la vie de cette famille heureuse où l’humour, souvent cinglant, rythme les saisons et les jours. Ce qui frappe, dans cette chronique, et qui est l’une des clés de sa grande réussite, c’est à la fois la construction minutieuse de chaque planche, renforçant le récit, prenant soin de chaque chute et de chaque suspension. Mais cela, allié à une extrême sincérité, au plus juste du geste. Là, une parole d’enfant, trop extraordinaire pour ne pas avoir été réellement prononcée. Ici, l’étonnement du père de voir son fils se mettre à dessiner une bande dessinée. Et, tout de suite après, la reproduction des dessins de Vadim, l’un de ses cinq enfants. C’est aussi la chronique d’un couple, qui prend la vie comme une source, en acceptant son calme et aussi ses tumultes. Avec des mises en boîtes trop énormes pour ne pas être le signe d’un attachement profond et d’un respect extrême. Un preuve supplémentaire qu’une union durable se partage dans les rires.

Et ce drôle de bonheur, qui aurait pu être, qui est, dans beaucoup d’œuvres, étalement stérile d’un rêve aseptisé, David De Thuin nous permet de le partager avec intensité. Non pas en nous invitant à regarder par le petit trou de la serrure. Jamais, ici, le lecteur ne se sent voyeur. Mais en puisant dans ces instants uniques d’une vie de tous les jours, les émotions profondes qui nous relient ensemble. Une « vie vivante » comme le développe Jean-Claude Guillebaud dans son dernier ouvrage.  En refermant le livre (image fausse, on ne referme pas « Interne », on le lit, le relit, on le picore) on se sent juste bien. Comme repositionné sur le chemin des jours. Plus attentif, encore, à ce qui fait la vie. Un idéal possible.

Stéphane Bataillon

> Le site de David De Thuin
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