La révolution Gapz : Un roman NoTry

METROPOLITAN MUSEUM OF NOTRYLe Metropolitan Museum of NoTry, prestigieuse institution d’art moderne prônant une abstraction extrême (voire extrémiste selon ses jaloux détracteurs), à l’honneur de vous présenter une pièce exceptionnelle : La révolution Gapz. Un roman totalement inédit qui, en sept chapitres et un épilogue, renoue avec la grande tradition des récits initiatiques. Mais une initiation mâtinée d’une épure toute contemporaine, apte à réconcilier les adeptes du nouveau roman à ceux d’une narration toute classique.  À n’en pas douter, l’évènement de cette rentrée littéraire 2010. Évènement que nous vous proposons de découvrir immédiatement – gratuitement et en numérique, c’est aussi ça, le chic –

Numéro de l’œuvre : OpN#010
(Sur la nomenclature des œuvres NoTry, vous reporter à cet article.

Stéphane Bataillon

LA RÉVOLUTION GAPZ
(Roman)

– Chapitre I –

Homme ou objet, fort ou faible, bête ou intelligent, bête ou homme, fût-il idiot, toutes ces dénominations n’avait pas grande importance pour les Gapz. Les Gapz étaient juste des trous. De simples trous.
Sans idées, sans odeurs, sans couleurs, il n’aimaient qu’une chose : le rien. Tout allait bien, tout était calme, jusqu’au jour où l’un de ces trous en eût un peu marre d’être juste un trou. Il avait envie d’essayer… quelque chose. La révolution Gapz commençait.

– Chapitre II –

« Quand on a rien, ça ne doit pas être très difficile d’obtenir quelque chose », se disait le Gapz, trou vide avançant dans d’infiniment plein.

GAPZ (à lui-même)

Il suffit juste d’y croire et de le vouloir très fort et notre destin changera. Tiens, par exemple, là, tout de suite, moi, Gapz, représentant d’un peuple de rien, je veux…

– Skloutch!-

Absorbé par ses pensées, Gapz était tombé dans un Gapz plus grand que lui. À peine commencée, la révolution Gapz se trouvait entravée par les lois irrésistibles de la gravitation. Il faudrait s’en méfier.

– Chapitre III –

Gapz tombait doucement, tout doucement dans le Gapz plus grand que lui.

GAPZ (à lui-même)

C’est raté ! Si j’étais tombé plus rapidement, j’aurais au moins connu la vitesse, ce qui aurait été mieux que rien.

Il resta ainsi de longues minutes à s’ennuyer en tombant, ce qui ne changeait pas grand chose à sa vie d’avant. Avant la révolution. Il pensa soudain que, si rien ne changeait malgré la chute, la relève était donc encore possible. C’est à ce moment précis qu’il s’arrêta de tomber. Gapz avait atteint le fond du grand rien.

– Chapitre IV –

Gapz se releva doucement et se mit à avancer dans le vide du grand rien.
Au bout de trois longues heures – bien que chez les Gapz cette notion de temps n’ait pas vraiment cours- il rencontra enfin quelque chose.

GAPZ

Bonjour !

L’INCONNU

(Silence)

GAPZ

Moi, c’est Gapz, et vous ?

L’INCONNU

Silence

GAPZ

Vous pourriez au moins me répondre !

L’INCONNU

Je l’ai fait : silence. Je suis un silence.

GAPZ

Un silence ?

SILENCE

Oui. Avant autour de moi, il y avait plein de notes. Mais je les ai égarées.

GAPZ

Et maintenant, que faites-vous ?

SILENCE

Ben, du coup, j’ai arrêté la musique. Je me repose.

GAPZ

Ah… Et une révolution pour quelque chose, ça vous tente ?

SILENCE

Pas le moins du monde. Et en plus, j’en ai beaucoup trop dit. Toutes ces paroles mettent mon identité à mal. Ça me brise. Adieu.

Les ralliements n’iraient pas de soi. Il fallait en avoir conscience.

– Chapitre V –

Gapz buta sur quelque chose.

GAPZ

Mais… Il n’y a rien ! se dit-il en regardant devant lui.

RIEN

Je ne vous permets pas !

GAPZ

Qui parle ?

RIEN

Moi.

GAPZ

Que… Qui ? Où ?

RIEN

Moi, là. Le blanc.

GAPZ

Un blanc ? Mais un blanc ne parle pas ! Sinon, il n’y aurait plus de blancs dans la conversation, elle deviendrait trop fatigante.

BLANC

GAPZ

Et alors ?

BLANC

GAPZ

Je vous ai vexé ?

BLANC

Non, mais vous vous méprenez. Je ne suis pas comme le silence, je suis LE blanc. La couleur. Et une couleur, c’est tout, sauf rien.

GAPZ

Oups, mille excuses. Et… une révolution pour quelque chose, ça ne vous tente pas ?

BLANC

Mais vous êtes bouché ou quoi ? Je suis déjà quelque chose !

GAPZ

Heu… Bon, je… ça ne fait rien. Au revoir.

BLANC

C’est ça, et la prochaine fois, préparez mieux votre tournée ! La politique, c’est un métier.

– Chapitre VI –

Continuant son périple pour l’éducation des masses vides, Gapz tomba nez à nez avec une pelle qui s’automimait

GAPZ

Mais… Que faites-vous ?

PELLE

C’te chose. Je suis en train de remplir à moitié ce grand rien, pardi !

GAPZ

Vous remplissez le rien ?! Mais… Il va être plein !

PELLE

À moitié vide ou à moitié plein, bé c’est toujours le même rien, ce n’est qu’une question de point de vue, té.

GAPZ

Mais non, pas du tout ! Si vous remplissez ce rien, il devient moins que rien. Il se dévide.

PELLE

Et alors ? Ce n’est pas ce que vous vouliez lô ? Car vous croyez que je ne vous ai t’y pas reconnu, hein ? Akch, on parle de vous dans les gazettes, à la télé, entre deux programmes, pendant la neige. « Le Gapz révolutionnaire », « Son rêve : Qu’il se passe enfin « quelque chose » ». Chte. Et bien voilà : moi, je mets quelque chose dans le rien. Et j’en fais pas tout un plat !

GAPZ

Mais…mais… Vous achevez ce rien, vous êtes un assassin !!

PELLE

Oh, hé, hein… Vous croyez quoi ? Que votre révolution peut se faire sans sang sur les mains, purée ?

GAPZ

Mais, là, c’est du sang de… de rien !

PELLE

Raison de plus pour ne pas vous plaindre ! Vadonc ! Et puis au moins, c’est quelque chose !

Gapz sentit que quelque chose était en train de lui échapper.

– Chapitre VII –

Bourré de remords, Gapz continuait à errer dans le vide quand un truc blanc à chapeau mou blanc se mit à genoux en le voyant et s’écria :

TRUC BLANC

Enfin, Madre de Dios ! Vous voilà !

GAPZ

Quoi ?!? Mais qui êtes-vous ?

LE TRUC BLANC

Un chercheur.

GAPZ

Un chercheur ? Mais un chercheur de quoi ?

LE CHERCHEUR

D’un sens à ma vie. De « quelque chose » qui pourrait enfin la remplir.

GAPZ

Ça tombe très bien ! Moi, mon idée, c’est de faire la révolution du vide pour qu’il arrive enfin, votre « quelque chose ».

LE CHERCHEUR D’UN SENS

Je sais bien. C’est pour cela que je crie « Enfin, vous voilà ! », car VOUS êtes ce quelque chose qui arrive enfin.

GAPZ

Moi ? Mais non ! Moi je suis juste un Gapz, je ne suis rien et…

LE CHERCHEUR D’UN SENS

Taratata Señor ! Tout le monde ne parle plus que de vous, le Gapz révolutionnaire ! Vous êtes notre sauveur ! Enfin.

Gapz resta immobile de longues minutes. Ainsi, tout ce chemin parcouru, toute cette énergie dépensée pour quelque chose n’avait servi à rien ? Juste à revenir à lui, ce dont il n’avait absolument pas besoin ?

Dégouté, Gapz conclut qu’il ne servait à rien d’essayer de changer le système. Ses illusions perdues, il mit fin à son entreprise et se retira hors du vide, dans le monde plein.

Ce fut la FIN.

– Épilogue –
LA QUESTION DE TROP

Toute chose avait une fin.
Toute chose, oui, mais le rien ?
Pouvait-on annoncer sa fin ?
Le Gapz se cachait-il pour mourir ?
Vivait-il sans se préoccuper de son âge ?
Peut-être qu’il s’éteindrait, rabougri, une fois tout rempli ?
C’était la question de trop. Elle fît déborder le vase.

Crédits et petite mise en garde/confidence (rayez la mention que vous jugez inutile) : Le roman LA RÉVOLUTION GAPZ, dixième œuvre inscrite au Patrimoine Mondiale de l’Humanité NoTry est bien évidemment © Stéphane Bataillon (artiste, critique et théoricien du mouvement NoTry) 2010. L’art a un prix, même quand c’est gratuit.  Pour tout savoir sur le mouvement, adhérer avec votre sang (nous, on est pire que chez Dédé Breton) et visiter les autres pièces de notre musée, c’est par ici ! Vous pouvez également nous envoyer votre propre œuvre NoTry par mail (voir page Contact) , nous nous ferons un plaisir de la publier sur le site après estimation de notre comité de conservateurs (sans sucres ajoutés)

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