UPPLR #83 : Nous n’avons jamais assez de poids, par Jean-Louis Giovannoni

Nous n’avons jamais assez de poids.

Toujours ce besoin de construire
de fixer.

Toute chose
est un repère

un lieu
dont on peut s’éloigner

revenir
sans se perdre.

Mais rien n’a assez de poids
pour nous retenir.

Nous n’érigeons pas
finalement
nous plantons

et rien ne tient
tout à fait ses promesses.

Dispersion.

Infime travail
de l’usure.

Jean-Louis Giovannoni

Le visage volé, Poésies complètes 1981-1991,
Éditions Unes, 240 p., 25 €

Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon):

 

Entrer dans l’univers de Jean-Louis Giovannoni, c’est se mettre à l’écoute de mots qui résonnent comme des pierres. Pierres d’un jardin de rêve, où l’épure minérale fait remonter à la surface nos émotions pour les traduire, leur donner consistance, imperfections comprises. Commencée en 1975 avec Garder le mort, l’un des grands livres autour du deuil et de ses gestes, l’œuvre de Giovannoni a poursuivi, en poésie, la veine du dépouillement. S’il recourt souvent aux images de la nature élémentaire, c’est moins par volonté d’enchantement que par un souci de renforcer le corps, la posture intérieure, tel un samouraï dont la seule présence suffirait à assurer la défense de ce qui est précieux. Ce recueil, rassemblant dix ans d’écriture poétique, en résonance avec des voix comme celles de Guillevic ou d’Edmond Jabès, est un livre important. Un livre de questions et de doutes réduits à l’essentiel pour continuer la route. «Naître, écrit-il, ce n’est pas pouvoir/se tenir en un lieu//mais toujours aller/dans ce qui s’éloigne. »

Stéphane Bataillon

Retrouvez ce poème dans La Croix l’Hebdo du 22 mai 2021

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