UPPLR #218 : Tu as… par Gérard Mordillat

Tu as ce signe d’enfance
que ton visage éclaire
Fixé par ta beauté
Que le temps
N’atteint pas

Tu as cette voix
Que les sirènes jalousent
Qui m’attire et me perd
Dans l’océan houleux
De ton désir

Tu as ce geste
De remonter ta mèche
Provoquant le soleil
Riant
Du coin de l’œil
D’un sourire entendu

Tu as ce teint
Dont le jour prend ombrage
Si éclairé d’envies
Innocentes et rebelles
Qu’elles éblouissent
Les morts !

Gérard Mordillat
L’obscur tympan du monde
Le temps qu’il fait, 248 p., 21 €

 

Écrivain – son dernier roman Les exaltés vient de paraître chez Calmann-Lévy (378 p., 21,50 €) – et cinéaste, auteur avec Jérôme Prieur de la célèbre série documentaires autour des origines du christianisme Corpus Christi, Gérard Mordillat est aussi poète. L’art de la lyre s’apparente pour lui à un exercice spirituel de conscience de soi, au secret tant il juge le genre invisibilisé dans une postface où il se demande « Où est passée la poésie ? » Un peu de lumière qui lui permet de s’inventer en racontant les histoires d’une ribambelle de personnages éprouvant leur humanité pleine de désirs ou de misère. Un mode de résistance au désespoir du temps. Il y fait un serment, reprenant le commandement de Jésus de s’aimer les uns les autres. « Il n’y a pas de crime plus grand/Plus lâche, plus mesquin/que de manquer/À ses amis. » pour ne pas s’égarer : « Le si j’étais/N’est qu’un leurre/Car nul/N’est si. »

Stéphane Bataillon

(Chronique parue dans La Croix L’hebdo 218 du 3 février 2024)