UPPLR #298 : Une poignée de secondes, de Carino Bucciarelli

Le bruit des camions ressemble à une prière
dans les artères de Rome

Devant toi
une fontaine couverte de graffitis
te tient lieu de miroir

Tu t’agenouilles

Les passants n’osent pas te regarder
la moquerie ou la réprobation
cachées sous de l’indifférence

Ils ne veulent pas lever le regard
sur eux-mêmes
soulagés par le vacarme de la circulation

Carino Bucciarelli
Une poignée de secondes
Ed. L’herbe qui tremble, 102 p., 16 €.

Combler les gouffres. Entre nos états d’enfances, entre les bribes de nos rêves, entre nous tous, pour se relier. Ces textes brefs de Carino Bucciarelli, poète, nouvelliste et romancier né en 1958 dans la région de Charleroi, ont surgi dans le vif du quotidien. En « Une poignée de secondes », des images parfois absurdes s’entrechoquent avec les choses du réel. « Pour masquer notre solitude/nous construisons des châteaux de cartes/où vivent des géants ». Le charme opère et, au fil des pages, l’incongru permet de poser un regard étonnamment lucide sur notre réel. Présent et souvenirs se mêlent alors pour continuer la phrase, en acceptant de se laisser porter sur les routes initiées par les fables et les contes. « Nous avons placé un lionceau/dans un vieil homme// Pourquoi me faites-vous ça ? demande-t-il/Pour voir, lui dit-on, et parce que nous t’aimons. »

Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°298 du 6 septembre 2025)

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