UPPLR #299 : Vivre à présent, par Beata Umubyeyi Mairesse

Vivre, à présent

Regarder les belles choses et les enfants
Et n’y voir rien d’autre que de belles choses
Nos enfants
Les épargner les libérer de nous aimer
Les photos le passé sur un fil pendule léger
Ne rien investir
Être désarrimés
Apprendre à désirer
Apprendre un pas de danse
Persister
L’amour n’est pas la pitié
Accepter le sommeil l’abandon
Conjuguer hier à demain
Dans une langue réenchantée
Dégoupiller nos héritages
Rincer les paupières des nuits noires
Ne rien cacher, se balancer sur un fil
Les cicatrices ne sont pas un trophée
La vie s’altère si on n’y joue pas souvent
Sortir sur les boulevards rire boire biaiser
Les lèvres s’usent si elles n’embrassent pas

Vivre, au présent

Beata Umubyeyi Mairesse
Culbuter le malheur, Mémoire d’encrier, 2024
Dans L’instant poésie, collectif, Éd. Seghers, 312 p., 33 €.

Issu de l’émission quotidienne de France Culture « L’instant poésie », ce très beau recueil illustré présente 100 poèmes choisis et présentés par des personnalités comme Sophie Marceau, Wajdi Mouawad, Keren Ann, Denis Lavant ou Gaël Faye. Ce dernier, auteur du grand succès Petit Pays (Grasset, 2016), propose ainsi ce texte de la poétesse franco-rwandaise. « Beata Umubyeyi Mairesse – c’est important de le dire pour comprendre le poème – est une survivante du génocide à l’encontre des Tutsis au Rwanda, relève-t-il. (…) Écrire « Vivre à présent » est une affirmation très courageuse. Surtout d’ouvrir le poème avec les enfants, pour les épargner, les libérer de nous aimer. Comment peut-on aimer un parent qui a survécu à un génocide sans être affecté ? C’est impossible, mais c’est toute la question. » Une anthologie équilibrée entre classiques (Novalis, Hugo Dickinson, Rimbaud) et contemporains (Bobin, Adnan, Glück…) pour découvrir et transmettre les vibrations de la parole.

Stéphane Bataillon

(Article initialement publié dans La Croix l’Hebdo n°299 du 13 septembre 2025)

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