Un poème pour la route #269 : La nuit quand je te gratte le dos, par François Bétremieux

La nuit quand je te gratte le dos
J’énumère nos sept ans
Nos risques
Nos luttes
Nos doutes
Nos adversités
Nos soulèvements
Nos victoires
Nos ça va aller
Nos va s’en sortir
Nos premières
Pas la première fois
Nos reset
Nos embrasements
Nos étreintes
Nos risettes
Nos après
Nos pas perdus
Nos défaites
Nos espérances
Nos repartir de zéro
Nos bien ensemble quand même
Nos nous

François Bétremieux
La nuit quand je te gratte le dos
ed. Le Castor Astral, 138 p., 15 €

C’est une expérience intime dont on se demande si elle était, dès le départ, même inconsciemment, menée pour faire un livre. Durant sept ans, François Bétremieux, poète et directeur de la collection « Météores » des éditions du Tripode, gratte le dos de sa compagne en lui racontant une histoire jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Un geste de conte de fée dont chaque détail est ici rapporté. Comme le récit d’un chevalier ayant trouvé l’amour et le consignant pour le préserver. Relever les détails, les parfums, les couleurs de la peau et les doutes de la nuit, et offrir ces mots à l’aimée. Né en 1991, François Bétremieux ravive la flamme des poèmes de fin’amor, ceux des troubadours du Moyen Âge. Le réveil n’en est que plus dur, et les silences que plus lourds lorsque « La nuit quand je ne te gratte plus le dos (…) Je n’entends plus ma voix/inventer des fables/Je n’entends plus ton rire / à mes bêtises. » On ne saura jamais qui, du dos ou de la page, reçut en premier ce désir de grattage. Peu importe. Au final, un poème. Qui gardera la trace d’un amour qui fût.

Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°269 du 7/02/2025)

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