D’après l’encyclique Dilexit nos du pape François, la méditation des symboles est l’une des voies pour atteindre l’harmonie et l’unité tant recherchées par nos contemporains. À condition toutefois de s’attacher aux significations précises de cette forêt de signes.
(Chronique « Tout un symbole » initialement parue sur La-croix.com le 23/02/2025 )
Il est bon, parfois, de faire retour sur nos motivations premières. De s’interroger sur ce qui nous pousse, par exemple, à explorer ensemble la riche symbolique chrétienne. À l’heure où beaucoup de jeunes, et de moins jeunes, cherchent de nouveaux repères pour donner un sens à leur vie, le symbolisme peut être cette porte d’entrée dans le christianisme, cette « capacité d’une collection de symboles à faire monde », selon la définition du philosophe Guy Lardreau.
Mais qu’est-ce qu’un symbole ? Du grec to symbolon, le symbole est avant tout un objet de reconnaissance, comme un tesson de poterie, une pièce de monnaie ou un cachet coupé en deux parties qui sont données à deux personnes différentes vouées à se rejoindre. Réunies, elles permettent d’identifier sans erreur leurs porteurs et d’autoriser la délivrance d’un message ou d’une information jusqu’ici conservée, à condition de s’emboîter parfaitement, sans aucun jeu entre elles.
C’est pourquoi le symbole procède de la justice et de la vérité, car si ses interprétations sont multiples (voir, dans la Bible, les sens pluriels donnés à des éléments aussi communs que l’eau, de l’arbre ou le sel), on doit veiller, comme le rappelait Michel Cazenave, « à faire du symbole un usage rigoureux, sans quoi il nous entraîne dans la confusion de la pensée. (…) Toute image symbolique en appelle naturellement une autre, et on se retrouve avec une chaîne infinie où tout et n’importe quoi finit par symboliser n’importe quoi d’autre ». D’où la nécessaire alliance, fragile et sensible de la raison et de l’imagination lorsque l’on aborde cette forêt de signes, chargés, au fil des textes et de la Tradition, de rendre visible ce qui est invisible, en laissant au mystère sa part inviolable.
Ainsi, la lecture des textes bibliques est encore plus profitable et profonde si l’on peut avoir accès aux interprétations admises, tamisées par la Tradition et les pères de l’Église, de chaque élément cité. Bien au-delà de l’aspect sensationnel développé dans la littérature populaire, comme la figure de Robert Langdon, le symbologue des best-sellers de Dan Brown, la culture symbolique permet de reconnaître ce qui résonne en nous, par-delà les temps et les cultures pour s’y envisager.
La quatrième encyclique du pape François, Dilexit nos (« Il nous a aimés ») apporte un éclairage supplémentaire à la signification et l’importance des symboles dans nos vies. En creusant l’importance du Sacré-Cœur de Jésus, il explique : « Le cœur est également capable d’unifier et d’harmoniser l’histoire personnelle, qui semble fragmentée en mille morceaux mais où tout peut avoir un sens. C’est ce que l’Évangile exprime avec Marie qui regardait avec le cœur. Elle savait dialoguer avec les expériences conservées en y réfléchissant dans son cœur, en leur donnant du temps, les méditant et les conservant intérieurement pour se souvenir. Dans l’Évangile, la meilleure expression de ce que pense le cœur est représentée par les deux passages de saint Luc qui nous disent que Marie “gardait (syneterei) toutes ces choses, les méditant (symballousa) dans son cœur” (cf. Lc 2, 19 ; cf. 2, 51). Le verbe symballein (d’où le terme “symbole”) signifie méditer, unir deux choses dans son esprit, et aussi s’examiner soi-même, réfléchir, dialoguer avec soi-même. »
Cet aller-retour permanent et nécessaire entre l’extérieur et l’intérieur, entre le collectif et le particulier, entre l’autre et soi, que le christianisme incarne particulièrement, rend possible un espace. Un espace de relations toujours inattendu, qui nous permet d’ajuster notre partie au monde. Un espace toujours en mouvement, en évolution, vers le cœur d’une vie vivante, au-delà de la notion d’espace et de temps. Un espace de paroles et de silences ordonnés, dans la perspective du « je suis qui je serai », définition contenue dans le tétragramme Yhwh, qui nous met sur la piste de cette unité tant recherchée avec soi-même et avec Dieu.
Cette harmonie dont parle le pape François peut se méditer et se rejoindre au cœur des déluges de nos existences, en regardant une colombe revenir vers nous avec un rameau d’olivier. Mais c’est une autre histoire, et un autre poème, invitant d’autres symboles posés sur notre chemin. Une promesse d’aventure.
Stéphane Bataillon