UPPLR #129 : Dans la ville par Haï Zi

Face à des arbres verts
assis
immobile
le bruit des voitures retentit
dans mon dos
je voudrais envoyer mon
vieux manteau couvert de feuilles mortes
à quiconque est dans la ville
dans cette ville
il y a mon salaire
il y a mon eau
dans cette ville
je suis amoureux de quelqu’un
je suis amoureux de deux mains
je suis amoureux de dix petits poissons
qui ont sauté dans mes cheveux
j’aime avant tout le blé cuit
quiconque marche joyeusement dans cette ville
je l’aime

Hai Zi
Le langage et le puits, poèmes courts complets 1983-1989
Traduction du mandarin par Yujia Yang, relue et corrigée par Pierre Vinclair, Unes, 320 p., 25 €

Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :

Météore de la littérature chi-noise contemporaine, Hai Zi (1964-1989) a mis fin à ses jours à 25 ans, victime d’une santé psychique ébranlée par une rupture amoureuse. Il est considéré dans son pays comme l’un des plus grands poètes chinois depuis la fin de la Révolution culturelle (1976), ses poèmes sont étudiés dans les écoles et l’université de Pékin organise chaque année un festival en son honneur. La belle édition complète de ses poèmes courts, proposés pour la première fois en français par les éditions Unes, permet de suivre cette trajectoire. « Je repêche des îles/et des émotions discrètes comme des étoiles », écrit-il. Sa poésie témoigne à chaque vers du désir de recoudre les vies, souvent marquées par la dureté et la conscience de la finitude, avec un imaginaire refuge d’une énergie vitale se tenant en réserve. Chez Hai Zi, « tous les dragons de la Terre écoutent/les clapotis de l’eau ».

Stéphane Bataillon (@sbataillon)

En partenariat avec l’émission « Poésie et ainsi de suite », de Manou Farine, chaque samedi à 17 h 30 sur France Culture. Disponible sur franceculture.fr et l’appli Radio France.

Retrouvez ce poème dans La Croix L’Hebdo n°129 du 22 avril 2022.

 

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