UPPLR #297 : Marine, de Paul Valéry

ur le calme dormeur, plane la mer… Écoute. Observe l’égalité du calme et l’équivalence des temps.
Ces lentes puissances te gagnent. Ton corps et tes membres sur le sable pèsent de leur poids inanimé. Tes regards touchent le zénith. Ta bouche demeure grande ouverte.
Tu appartiens tout entier à la présence de toutes choses, et tu deviens insensiblement étranger à ta mémoire, à tes amours, à tes énigmes, à toi-même.
La reprise monotone du roulement de la douce houle use et polit indéfiniment la bizarrerie de ton âme, comme sous l’onde s’use et se polit indéfiniment le marbre d’un galet.

Paul Valéry
La Mer, le Ciel, le Soleil
Poesis, coll. Habiter poétiquement le monde, 16 p., 5 €

Que retient-on de ses vacances ? De ses moments passés à contempler les vagues ? Quel dynamisme et quel repos récupéré pour se lancer, comme chaque année, dans une rentrée toujours très (trop) animée ? Dans ce tout petit livre publié dans l’élégante collection de textes courts des éditions Poesis, Paul Valéry livre en quelques lignes « l’action profonde de (sa) mer natale » sur son esprit. Cette mer Méditerranée qui longe la côte Sétoise pour mieux se refléter à l’intérieur de lui. « Certainement, rien ne m’a plus formé, plus imprégné, mieux instruit – ou construit – que ces heures dérobées à l’étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil », écrit-il.
À noter, également, la troisième édition augmentée de l’anthologie essentielle qui donne son titre à cette collection, Habiter poétiquement le monde (Poesis, 567 p., 26 €). Un vivier inépuisable de textes en prose disant, de tous les coins du monde et de toutes les époques, en quoi la poésie nous aide à traverser l’existence.

Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°297 du 30 août 2025)

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