Au lieu de s’envoler
ton album sur les oiseaux est tombé
une nuit d’étagère
un petit boum vers 4 h du mat face au lit
un peu à gauche
qui m’a réveillé
depuis
chaque matin je bois mon café
à l’affût vers la gauche
des plumes au bord des yeux
Isabelle Alentour
Bleu nuit sans étoiles
Éd. La Boucherie littéraire, 140 p, 22 €
Un jour de mai, Isabelle Alentour reçoit l’appel d’un brigadier du commissariat du 10e arrondissement de Marseille, lui apprenant la mort brutale de l’être aimé, sans explication apparente. La vie se brise, alors que « Depuis la veille, les cigales chantaient/C’était presque l’été. ». Bleu nuit sans étoiles est le journal de ce deuil. L’autrice, née en 1962 à Marseille où elle vit, poète, chercheuse et psychanalyste, y retrace ces jours hors du cours avec une écriture précise, retenue et délicate. Usant de « La possibilité de fixer au sein d’un poème/l’homme ou bien la femme/parfois les deux/ensemble ». Accueillant ses pensées, ses émotions, les mêlant à ce qu’elle perçoit d’un quotidien devenu en partie étranger, décalé, elle trace un chemin possible pour retrouver le rythme, le goût, le rire grâce à la multiplication foisonnante mais très maîtrisée de détails choisis pour ce roman intime. Certes, « Les mots ne sont jamais tout à fait les bons/pour raconter les cauchemars/les rêves non plus/la réalité de trop près ça épuise/la lumière serrée ça aveugle (…) ». Mais malgré tout, cet acte de création au cœur de l’absence est plus que nécessaire. Signe de sa réussite : en refermant le livre, nous nous sentons, nous aussi, un peu plus vivants.
Stéphane Bataillon
(Article initialement publié dans La Croix l’hebdo n°301 du 30 septembre 2025)