tu m’as dit ce matin
le temps est couverture
tu parlais de la grisaille
j’entendais la chaleur
comment est-ce possible qu’il fasse
dix-sept de ton côté
trente-sept du mien ?
je refuse d’avoir chaud sans toi
je veux brûler accrochée à toi
je veux crépiter comme le p’tit bois
enflammera
je veux que nos particules mélangées
forment de la fumée
qu’on s’étouffe de notre combustion
que nos cendres mêlées tapissent
le sol d’un nouveau monde
Stéphanie Garzanti
Poèmes karaoké
Ed. Cambourakis, 112 p, 16 €.
Après Poèmes nature, paru en 2023, Poèmes karaoké est le second livre de l’artiste plasticienne Stéphanie Garzanti publié chez Cambourakis. Sa poésie, à la fois drôle et intime, prend à la volée les signes de l’air du temps. Amatrice de slogans trouvés dans la rue, dont elle s’inspire et use, elle varie les formats, parfois très courts, comme ce micropoème, Karaoké, avec un sens certain de la formule : « on a chanté comme devant cent mille personnes/sauf qu’on était/douze. » ou cet autre, malade : « Je/ne/suis/plus/que/tisane ». Elle écrit aussi l’amour, l’attente de l’autre, la joie de vivre et de vieillir ensemble. Avec pudeur, épousant le rythme des saisons, elle prend le temps d’inscrire toutes ces pensées qui renforcent les sentiments. Ces remarques que l’on se fait et qui, quand l’autre s’est absenté pour quelques minutes ou quelques jours, remplissent le vide d’une douce lumière. « (…) Quand j’attends/je pense/que c’est finalement/toujours toi/que j’attends ». Avec cette poésie joyeuse et amoureuse des mots, des autres, Stéphanie Garzanti déjoue les angoisses du temps avec, par exemple, ce « ventoline-moi » : « Je // n’ai / plus/ de / souffle ». Elle nous en redonne un peu.
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°182 – semaine du 9 mai 2025)