Les braises voulaient rappeler
le temps où les montagnes
poussaient à force de prières
elles semaient l’eau
la récoltaient
à la saison d’après
on t’a aimé
à ton insu
à présent tu joins les mains
sur la poitrine
priant pour que cette chanson
tout comme le poème
la parole
le murmure
puisse arrêter
ce désert
María Sánchez
Feu la soif
Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco
Éd. Rivages, 160 p., 17 €
C’est un témoignage précis, liant l’enfance et l’état de notre monde, que dresse María Sánchez dans ce nouveau recueil traduit en français. Dans la campagne sévillane où sa famille exploite une ferme, la poétesse, écrivaine et vétérinaire, née à Cordoue en 1989, constate la transformation complète des paysages de sa jeunesse. En cause, la sécheresse, due à la crise climatique et sa gestion calamiteuse touchant sa région. Les animaux ont fui, les plantes ont dépéri. Que peut-elle y faire ? Et que peut, encore, faire l’écriture face à ce qui pourrait sembler inéluctable ? Peut-être rappeler l’essentiel : avant les décisions, les engagements, les actions à mener, se remettre en amitié avec cette création. Ralentir le pas pour observer alentour. S’observer réagir, aussi, face à ces changements, dans un même mouvement intime. Pour échapper à la catastrophe, à l’anxiété, au découragement, María Sánchez remet au jour, avec ses mots, le principe d’espérance : « mais cette terre n’était pas seulement/gardée par des anges/nous conservons la lumière/dans les eaux souterraines ». Des poèmes lumineux pour étancher sa soif, et partager cette autre source.
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°283 – semaine du 16 mai 2025)