Je me ressemble dedans tous les jours
au moment de me brosser les dents
en face je peux apparaître
mon visage qui se réveille
le dentifrice aux coins de mes lèvres
et je peux penser que c’est moi presque à chaque fois
je ne me reconnais pas toujours
je ne peux pas me reconnaître quand je ne m’aime pas
je voudrais me glisser dans la peau de quelqu’un d’autre
quelqu’un de beau de connu de respecté
je voudrais être autrement parfois
je peux l’espérer mais ça ne viendra jamais
je serai toujours comme je suis
je peux aussi me faire opérer me faire défigurer
mais comment savoir qui je vais être quand j’enlèverai les pansements ?
Je préfère rester comme ça
après tout il y a moins de jours où je ne m’aime pas
alors je me rince la bouche
je me lave avec le gant
et quand j’ai fini ma toilette
je me découvre plus éveillé que tout à l’heure
je ne regrette plus d’être moi
La journée peut commencer.
Sébastien Joanniez
Jamais dire toujours
La joie de lire, 128 p., 15,90 €
«Si tu crois connaître la poésie / Par cœur/ Respire / Le titre a déjà changé ». Jamais dire toujours est un livre de poésie pour tous, à partager et à lire, à partir de 13 ans. Édité par les belles éditions jeunesse suisses La joie de Lire, ce livre objet, à la mise en page et à la typographie inventive et colorée, adopte les codes visuels de la « génération Alpha », née après 2010, pour s’adresser aux adolescents d’aujourd’hui… et à leurs proches. Sébastien Joanniez, comédien, dramaturge et écrivain né en 1974, y dit avec subtilité, sans surplomb ou faux-semblants les bascules de cet âge décisif : estime de soi, angoisses d’une vie en devenir, d’un monde qui semble parfois si peu accueillant, mais aussi le plaisir des découvertes, des rencontres, des premières fois. Ces émois enthousiastes fondateurs pour la suite : « Et si demain tout ressemble à rien / je laisse ici quelque chose / pour maintenant seulement // Je t’aime ». Des textes rendus possibles par la liberté et le cœur à cœur qu’autorise le poème, cette transaction intime qui n’a besoin que d’un peu de temps et de confiance pour, écrans et réseaux sociaux éteints, pour éveiller quelque chose de l’adulte qui arrive. «Ne me dis pas / Que tu n’y connais rien en poésie / Tu as déjà tenu la main d’un enfant»