Bourdon sur le carrelage échoué là, pas à pas
se traînant, haltes longues, est-il
si épuisé, égaré, je ne sais trop ? À moins
qu’il ne se soit trompé de saison ou
du monde ne se fasse une idée inversée,
instruit plus que nous ne le serons jamais
du printemps qui vient malgré tout, arrive
sans tapage ni le moindre bruit d’ailes,
deux jours déjà, silencieux pensionnaire
d’un songe commun à l’espèce, économe
du moindre mouvement, au point de paraître
sans perspective aucune, esseulé, tache
de presque rien sur le carrelage, quand soudain
sans plus d’apprêts, balourd, dépliant ses ailes
il s’arrache, vrombissant, pour se poser
trois mètres plus loin, attiré par la chaleur
du feu dans la cheminée, croirait-on.
Pascal Commère
in revue Contre-allées n° 50
52 p, 5 €.
La revue Contre-allées, élégant petit fascicule qui propose à chaque saison poèmes inédits, interviews d’auteurs et textes choisis dans les recueils récents, fête son cinquantième numéro. Une prouesse à signaler dans le domaine des revues de poésie, d’autant plus que ses animateurs, Romain Fustier et Amandine Marembert l’éditent avec la même passion depuis 1998. Pascal Commère est l’invité de ce numéro anniversaire, avec huit poèmes en prose et un bref entretien où il formule à quoi tiennent ses poèmes : « Une chose aperçue en passant (par exemple), une chose de pas grand-chose bien souvent, qui ne brille pas plus que ça du reste du reste, mais qui tout de même nous saisit, nous retient, parce qu’elle évoque (notamment) tel point sensible de la marche du monde, quand ce n’est pas une anecdote de notre propre histoire. » Le poète né en 1953 et dont un nouveau livre, Sortir des forêts (Le temps qu’il fait, 160 p., 20 €) vient enrichir sa longue bibliographie, partage, avec l’esprit des autres textes de la revue, ce souci d’une poésie concrète et à hauteur, apte à nous éveiller à notre juste alentour. « Les guerres se gagnent avec des armes, dit-on, quand le poème, lui, est désarmé, explique t-il encore. Il n’en concourt pas moins, du plus loin qu’il s’adresse à nous, à rendre le monde un peu moins inhabitable. » Parcourons donc, ensemble, cette charmante contre-allée.
Stéphane Bataillon
(Chronique initialement parue dans La Croix l’Hebdo n°287 du 13 juin 2025)