(Critique) : Printemps des poètes 2024 : quatre bouquets de grâce parus pour l’occasion

L’édition 2024 du Printemps des poètes a pour thème la grâce. Entre beauté et faveur divine, la puissance des poèmes s’exalte au fil de quatre anthologies très variées parues pour l’occasion.

(Article initialement paru dans la page poésie du cahier Livres & idées de La Croix du 21/03/2024)

• Grâce… Livre des heures poétiques. Établie par Thierry Renard et Bruno Doucey., Ed. Bruno Doucey, 272 p., 20 €

• Ces instants de grâce dans l’éternité. Établie par Jean-Yves Reuzeau, Le Castor Astral. 512 p., 18 €

• Poésie du Louvre. 100 poètes d’aujourd’hui. Ed. Seghers, 224 p., 17 €

• Filles bouchères et garçons bouchers. Établie par Antoine Gallardo, Ed. La boucherie littéraire, 102 p., 20 €

La violente polémique autour de la nomination de Sylvain Tesson comme parrain de la 25e édition du Printemps des poètes n’a pas favorisé la mission première de cette manifestation : faire découvrir, entendre et lire des poèmes. Pour se rattraper, quatre anthologies parues à l’occasion permettent de dresser un état plus enthousiasmant de la poésie contemporaine.

Directement attachée au thème de l’année, la grâce, l’anthologie annuelle des Éditions Bruno Doucey, la 14e depuis 2011, déploie en vers tous les sens du mot. Les grâces enfantines de la poétesse ukrainienne Ella Yevtouchenko, « Piétine, mon fils, dans le ventre de la nuit/danse autant que tu le veux/l’aube n’est pas loin/la maison n’est pas loin », ou la bonne grâce qui permet à Ananda Brizzi de chuchoter : « Allonge-toi sur les vagues pour toucher les étoiles ».

Le voyage se poursuit avec l’anthologie du Castor Astral qui, pour la troisième année consécutive, propose un imposant pavé présentant 116 poètes contemporains parmi lesquels François de Cornière, Lydie Dattas ou Albane Gellé qui chante la grâce des gestes : « Tomettes terres cuites et poteries, tuiles faïence et céramique, maisons entières et des collines (…) tout ce qu’on fait/ce qu’on fabrique/avec la terre » .

Les éditions Seghers proposent ensuite une étonnante visite des allées du Musée du Louvre, rassemblant les poèmes inédits commandés par l’institution à 100 écrivains du monde entier autour du lieu et de ses chefs-d’œuvre. Une visite privée en compagnie de Tahar Ben Jelloun, Blandine Rinkel, Olivier Py ou Marie de Quatrebarbes, qui fait dire au Sénégalais Amadou Lamine Sall : « Quand Dieu prend ses vacances Il prend ses quartiers au Louvre/et La Joconde sourit de plus belle. »

Mais la poésie, c’est aussi de petites structures d’édition, souvent tenues à bout de bras par un ou une passionnée. À l’exemple d’Antoine Gallardo qui anime depuis dix ans La Boucherie littéraire au fil d’ouvrages toujours soignés. Cette anthologie anniversaire permet de retrouver les auteurs de la maison comme Estelle Fenzy, Jean-Pierre Gandebeuf ou Paola Pigani, livrant quelques mots pour résister aux tourbillons du temps : « Il se peut qu’on trouve la force de/Fendre l’azur/D’être nu pour le combat le plus tendre ». Comme un bouquet offert à l’autre.

Stéphane Bataillon