Rim Battal, Rupi Kaur, Nawel Ben Kraïem… : Puissance du poème

(Article initialement paru dans le cahier Livres&idées de La Croix du 25/03/2021)

Le Printemps des poètes, sur le thème du désir, invite à découvrir une nouvelle génération de voix féminines. Trois recueils montrent ce lyrisme engagé qui s’aventure vers le roman ou la chanson.

Le désir en nous comme un défi au monde. 94 poètes d’aujourd’hui
Anthologie réunie par Jean-Yves Reuzeau
Le Castor astral, 416 p., 15 €

Le Désir. Aux couleurs du poème
Anthologie établie par Bruno Doucey & Thierry Renard
Bruno Doucey, 216 p., 20 €

Home body
de Rupi Kaur
Traduit de l’anglais (Canada) par Sabine Rolland
NiL, 192 p., 17,50 €

Désir de vivre, désir d’aimer. Désir, en temps de pandémie, de se réapproprier la langue. Les deux principales anthologies parues à l’occasion du Printemps des poètes, courant jusqu’au 29 mars, permettent, à travers ce thème, de découvrir une nouvelle génération de voix féminines utilisant naturellement les réseaux et renouant avec un lyrisme direct, faisant place au corps, aux questions de l’origine et des discriminations. La poète et journaliste franco-marocaine Rim Battal, née en 1987, reprend ainsi les codes de la poésie amoureuse classique. « Ta cuisse a le parfum de l’herbe / et de l’ail / et du citron confit / ton œil est l’alun qui flambe au fond du brasero », déclare-t-elle, posant la question de toutes nos libertés, de leurs conditions, pouvant placer sa mélodie dans un contexte ultra-contemporain faisant contraste, comme un complexe touristique déshumanisé – cadre de son dernier recueil Les Quatrains de l’All inclusive (Le Castor astral).

Chanteuse franco-tunisienne née en 1988, Nawel Ben Kraïem lance quant à elle « L’accent de la daronne chantonne / Et mes deux sud y fusionnent / Va voir si je n’y suis pas / Couchée sous mes fantômes à moi », témoignant d’une expérience vécue, point de départ désormais préalable pour légitimer d’autres revendications. Son premier recueil J’abrite un secret paraîtra en mai chez Bruno Doucey.

Une génération à l’image de la jeune Américaine Amanda Gorman, poète et militante de 22 ans découverte lors de l’investiture de Joe Biden, dont la première traduction en français paraîtra en mai chez Fayard. Dans le sillage également du succès étonnant de la poète canadienne d’origine indienne Rupi Kaur dont le troisième livre, Home body, sort chez NiL. Une poésie de l’émotion, souvent hélas un peu trop facile, rappelant certains mantras du développement personnel « Tu as tout à gagner / à croire en toi-même /pourtant tu as passé tout ton temps à douter de toi ». Poèmes courts, au format adéquat pour le réseau Instagram où elle s’est fait connaître, qui séduisent peut-être justement par cette expression proche du journal intime.

Pour accueillir ces voix, de nouvelles collections de poche, aux prix accessibles et aux maquettes colorées, voient également le jour : L’Iconopop chez L’Iconoclaste avec Décomposée, recueil à l’ambition formelle remarquable de Clémentine Beauvais, auteure du roman versifié Songe à la douceur et en Poche/poésie au Castor astral, avec la réédition des Ronces rassemblant les premiers poèmes de la romancière Cécile Coulon. Le désir de poésie n’est pas près de s’éteindre.

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