Partout partout partout
on se fascine pour
quelques intelligences
qu’ils disent artificielles
elle parle pour de vrai
et bien mieux que beaucoup
tremblez pauvres mortels
qui serez remplacés
ah bon, tu crois vraiment ?
il me semblait pourtant
que ça faisait longtemps
qu’un grand nombre de gens
parlaient en langue morte
politiciens faussaires
trafiquants d’algorithmes
et artistes parfois
vous étiez des machines
et si d’autres machines
produisent du langage
très mort comme vous êtes
on fera bien sans vous
pour chercher de la vie
imparfaite et idiote
il y en a plein autour
on n’a qu’à se baisser.
Victor Pouchet
L’option légère, Gallimard, 224 p., 20 €
C’est un roman-poème. Il raconte la vie d’un trentenaire qui « tente de survivre dans la Grande Ville » avec dérision et tendresse, reportant toutes choses alentour. Celles qui nous assaillent, nouvelles pratiques abrutissant le temps passé « toute la soirée à regarder des vidéos de chiens mignons sur Internet », comme celles qui nous caressent, demande chuchotée d’un poème d’amour « très très joyeux ». Un récit que l’on suit à travers 109 poèmes dont le protagoniste fait penser à l’Antoine Doisnel de François Truffaut, traversant l’existence entre observations, étonnement, et tentatives de se lancer à corps jamais perdu dans ses « nanos combats ». Auteur de Pourquoi les oiseaux meurent et Autoportrait en chevreuil (Finitude, 2017 et 2020) ainsi que d’un premier roman-poème, La grande aventure (2021) Victor Pouchet, né en 1985, poursuit ici la construction d’un genre nouveau et en vogue (récemment adopté par Marie Testu ou Clémentine Beauvais…) alliant force et légèreté du poème à l’attachement d’un héros. Une forme de chronique déclamée par un troubadour qui aurait résisté, au temps et aux nouvelles intelligences. Une façon agréable de saisir l’époque, avec « sans le faire exprès/cette option légère ».
Stéphane Bataillon
(Article initialement paru dans La Croix l’hebdo n°227 du 5 avril 2024)