Deux voitures se suivent.
Elles sont blanches toutes les deux.
La mienne roule devant.
C’est la plus vieille.
L’autre je la vois dans mon rétroviseur
(tu m’avais dit « je préfère que tu passes en premier »).
Plusieurs fois je m’assure
que ta voiture est bien derrière.
Surtout quand d’autres véhicules
s’intercalent entre nous.
Au sortir de la ville
du côté de la gare
Véronique Sanson chante « Ma révérence ».
Je ne sais pas pourquoi
je suis sûr que tu écoutes la même station que moi
la même chanson.
Sur la 4 voies je pense à cette idée :
deux voitures
un homme une femme
un rétroviseur
une chanson qu’elle aime
des morceaux de vie qui filent
la mer dans 25 km
et plus tard cette espèce de distance
dans un poème
pour faire le point sur eux.
François de Cornière
Décharges n°200, 154 p., 10 €
Ce poème de François de Cornière fait partie d’une courte série de « pages volantes », atterries dans le dernier numéro de la revue Décharge. Avec sa 200e livraison, ce trimestriel créée en 1981 par Jacques Morin clôt, en partie, sa grande aventure. « J’ai décidé d’arrêter. (…) J’ai consacré ma vie à cette passion dévorante qu’est pour moi la revue de poésie », explique-t-il dans un ultime éditorial qui ouvre un riche panorama de la poésie contemporaine mêlant critiques, réflexions sur l’art poétique (James Sacré), poèmes de voix installées (Gérard Bocholier) ou plus récentes (Guillaume Decourt), le tout agrémenté de belles reproductions d’œuvres abstraites du peintre Renaud Allirand. Mais le bateau ne rentre pas définitivement au port. À côté de la revue, les tout petits recueils de la collection Polder poursuivront leurs traversées en mettant en lumière, 4 fois par an, de nouveaux poètes.a collection Polder poursuivront leurs traversées en mettant en lumière, 4 fois par an, de nouveaux poètes.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°214 du 5 janvier 2024)