UPPLR #182 : La mémoire, par Paul de Brancion

On estime que le nombre de chiffres, de lettres ou de mots qu’une personne peut restituer immédiatement et dans l’ordre proposé égale à sept (plus ou moins deux) (Inserm)

oublier
définitivement
les angoisses
les perdre

des traces subsistent
on ne sait
comment les trouver

nous sommes les enfants de ces amnésies
qui constituent le temps

« j’y étais je me souviens »

pour toute bataille
un témoin assène
cela a été
la vérité est avérée

qui sait le souvenir ou le mensonge
demain sera oublié

un autre monde aura passé

Paul de Brancion
Black-out, Plaine page, 84 p., 15 €

Chaque soir, devant son écran, le poète Paul de Brancion regarde un ou deux épisodes de la célèbre série américaine Prison Break, racontant les aventures carcérales de deux frères, Lincoln Burrows et Michael Scofield. À la fin du générique, il se met à écrire un poème, sans aucun rapport avec les événements de la série mais découlant des émotions réveillées, des mots qui ont surgi, des étincelles d’images à partir de cette fiction, de ces produits de consommation de masse que sont les séries, qui saturent l’espace d’une autre lumière et d’autres paroles au cœur d’une nuit silencieuse. Dans Black-out, recueil qui rassemble la production de cette expérience poétique, il adjoint à chaque texte une citation, vers classique, information glanée ou pensée de Pascal. Il illustre le tout de collages détournant séries et personnages dessinés comme Lucky Luke ou Bugs Bunny, afin de créer un nouveau rebond d’idée. Une méthode originale, presque méditative, pour « traverser les excès du monde » : avant de s’endormir, « Oublier tout, faire le Black-Out, éteindre les lumières au son de la bougie. Comme au bord de l’abîme. »

Stéphane Bataillon
(initialement paru dans La Croix l’hebdo n°182)