UPPLR #208 : Y aura-t-il vraiment un « matin » ? Par Emily Dickinson

Will there really be a “morning”?
Is there such a thing as “Day”?
Could I see it from the mountains
If I were as tall as they?

Has it feet like Water lilies ?
Has it feathers like a Bird ?
Is it brought from famous countries
Of which I have never heard ?

Oh some Scholar ! Oh some Sailor !
Oh some Wise Man from the skies !
Please to tell a little Pilgrim
Where the place called “morning” lies !

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Y aura-t-il vraiment un « matin » ?
Existe-t-il seulement le « Jour » ?
Pourrais-je le voir depuis les montagnes
Si j’étais aussi grande qu’elles ?

A-t-il des pieds comme les Nénuphars ?
A-t-il des plumes comme un Oiseau ?
Le rapporte-t-on de pays renommés
Dont je n’ai jamais entendu parler ?

Oh quelque Savant ! Oh quelque Marin !
Oh quelque Homme Sage venu des cieux !
S’il vous plaît dites à la petite Pèlerine
Où se trouve le lieu qu’on appelle le « matin » !

Emily Dickinson
Du côté des mortels, traduit de l’anglais (États-Unis) par François Heusbourg, Éd. Unes, 144 p., 21 €

Depuis 2015, François Heusbourg, l’animateur des éditions Unes, traduit avec passion les poèmes d’une des grandes poètes américaine, Emily Dickinson (1830-1886). Une œuvre poétique foisonnante de quelque 1 800 poèmes, gardés pour la très grande majorité au secret du vivant de cette personnalité étonnante, vivant quasi recluse dans sa maison d’Amherst dans le Massachusetts. « J’ai commencé ces nouvelles traductions car j’avais lu les poésies complètes qui m’avaient bouleversé, et que j’étais incapable de conseiller un livre à mes amis qui souhaitaient la découvrir, raconte-t-il. Comme elle n’a pas écrit de recueil, mon idée est de se concentrer pour chaque volume sur une période très précise et limitée, et de faire un choix large à l’intérieur de cette période. »Du côté des mortels, cinquième de cette collection, se concentre ainsi sur les années 1880 et 1881 avec des poèmes habituellement brefs. Des textes resserrés, tout à la fois passionnés et s’adressant au lecteur au creux de l’oreille, habité par une haute transcendance. Après la magnifique anthologie de ses poèmes illustrée par la peinture américaine parue il y a quelques semaines chez Diane de Selliers (voir sur la-croix.com), ce nouvel ouvrage poursuit la remise en lumière de cette œuvre magistrale et intime, qu’on ne quitte jamais vraiment après l’avoir découverte.
Stéphane Bataillon

(Article initialement paru dans La Croix l’Hebdo n°208 du 18/11/2023)