Note de travail sur Contre la nuit : la trilogie de Mu

Fin de l’écriture de mon troisième recueil. Quel thème central à déceler courant de livre en livre ? Quelle signification à la progression de chaque corpus ? Quelle cohérence entre ces trois histoires qui n’en font finalement qu’une ?

Mon premier recueil, Où nos ombres s’épousent, était récit de la réaction face à l’espace créé par l’absence. Un vide hostile, mutilant, à affronter pour survivre. Le second, Les Terres rares, d’un autre espace, à organiser pour l’autre, pour accueillir une naissance annoncée. Le thème de ce troisième livre se dévoile au fil des relectures et des ajustements : il s’agit d’un dernier espace. L’espace intérieur à investir une fois l’extérieur stabilisé. Un troisième lieu libre à découvrir en lâchant prise, pour poursuivre l’exploration émerveillée de cette vie.

Cet espace vide, libre et chaleureux n’est pas rien mais vacuité, Mu dans le zen japonais et  dans le taoïsme chinois. Un vide qui permet de relier, qui abolit les frontières et la dualité.

Un vide autour du moyeu de la roue, à faire exister en résonance de soi, en un mouvement léger permettant la rencontre. Un vide en état d’urgence au moment où l’indifférence à l’autre, venus après les bombes des attentats, et la tentation du repli ressurgit. Amour de soi, amour des autres, amour des vivants et des morts, face à la peur. Un risque à courir toujours au plus proche du quotidien. Toujours fidèle à son poème.

Cette trilogie des espaces libres, j’aimerai l’appeler la trilogie de Mu, en référence triple : au concept zen ; à  cette convention des informaticiens qui, adeptes de logique, placent « mu », entre le « oui » et le « non » comme la réponse rejetant le manichéisme, signifiant par convention : « On ne peut correctement répondre à votre question car elle se fonde sur des présuppositions erronées». Enfin, en référence à ce dessin animé enchanteur pour toute ma génération, les Mystérieuses cités d’or et à l’aventure de Corto Maltese, où le continent perdu de Mu occupe la place centrale. Le lieu intérieur d’une recherche vers notre humanité.

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