Comme en 2010 et en 2011, voici la désormais traditionnelle rétrospective du site. L’occasion de parcourir avec vous 12 mois de création. Une année de transition, riche de belles rencontres, qui m’aura surtout permis de parachever mon second recueil, Les Terres rares, qui paraîtra en mars 2013 aux Éditions Bruno Doucey. Joyeuses fêtes à tous !

Janvier : Scriptura

Tiré de la série Instapoem >> Une série de photopoèmes avec les photographies de @MrFreakz  réalisées avec Instagram. Pour découvrir ses autres créations  : http://statigr.am/mrfreakz

Quel mot à déchiffrer
dans l’interstice du ciel ?

Février : Camino

Marcher jusqu’où convergent
les deux chemins de terre

Celui du désir

Celui du nécessaire

Puis franchir
calmement.

 

Mars : Force

Pour S. & T.

Douleurs
au cou
aux dents

À tout le corps qui dit
allié aux inquiétudes

Mais le chaud du soleil
d’un peu de vos sourires.

B.o.p (Bande originale du poème) : Dominique A – Comme un arbre – Vers les lueurs

Avril : Le peuple des hommes (34) : l’anarchiste

Le peuple des hommes est le quatrième projet poétique réalisé avec l’illustrateur Saint Oma (www.saintoma.com).


Mais après, la légèreté.

 

 

Mai : Microfictions > Suspension

John john le parachutiste venait de se rendre compte, mais un peu tard,
que l’expression « On donne tout, on lâche rien » pouvait porter à confusion.

Juin : Le secret des racines

Que font les arbres
lorsqu’ils s’ennuient ?

Les arbres font des paris
sur qui s’endormira

À la gloire du chêne
et au mépris des roses.

Juillet : Du Haïku

 

Les éditions de la Lune Bleue, menées avec passion par Lydia Padellec publient une anthologie originale de haïkus francophones écrits par dix poètes nés depuis 1970. J’ai le bonheur d’en faire partie et d’y éditer, pour la première fois, mes tentatives autour de cette forme brève que j’affectionne particulièrement. Outre mes textes, vous pourrez y découvrir ceux de Vincent Hoarau, Cécile Duteil, Soizic Michelot, Loïc Eréac, Gwenaëlle Laot, Jean-Baptiste Pedini, Lydia Padellec, Rahmatou Sangotte et Meriem Fresson.

D’une fleur à l’autre, collectif de dix haïjins nés à partir de 1970, sous la direction de Lydia Padellec, gravures sur bois de Mimin Chen, Editions de la Lune bleue. 46 p, 12 euros.

 

Entretien : L’instant haïku (extraits)

En complément de cette parution, quelques questions posées par Lydia autour du rapport à cette forme brève. Destiné à nourrir la préface.

Lydia Padellec :  Comment as-tu découvert le haïku ? Quel est l’auteur, le haïku ou le livre qui t’a donné envie d’en écrire à ton tour ?

Stéphane Bataillon : J’ai découvert le haïku comme l’on découvre un jeu, au détour des pages d’un livre très bien fait, le « petit manuel pour écrire des haïkus » de Philippe Costa (ed. Philippe Picquier, 2001). Je me suis pris de passion pour cette forme brève, qui correspondait à une aspiration d’épure profonde. Qui permettait de mêler, condensé comme un galet à la surface polie, le regard posé sur le monde d’un Bashô à l’espièglerie d’un Issa.

L.P : Depuis quand en écris-tu ? Ecrivais-tu de la poésie ou d’autres genres avant ?

S.B :  J’écris de la poésie depuis 2001 et le haïku a donc été, sans même le savoir, la forme qui m’a permis d’emprunter ce long chemin. Ma poésie s’en ressent encore aujourd’hui, même si je me suis éloigné de certaines règles (bien utiles et rassurantes) pour tenter l’aventure d’un langage encore plus personnel, dans le sillage des pops de Jack Kerouac ou des quanta de Guillevic.

L.P : Peux-tu donner une « définition » de ce qu’est le haïku pour toi ?

S.B : Je partirais de cette phrase de Gaston Bachelard : « La poésie est une métaphysique instantanée ». Le haïku incarne bien cette définition, avec un agencement de mots qui nous entraîne vers une métaphysique à partir du brin d’herbe. Non pas simple constat du monde, mais témoignage de cette relation infime et intime qui nous relie à lui, en évitant bien des digressions et des mots inutiles.

L.P : Quelle place donnes-tu aux règles du haïku ? Respectes-tu le 5/7/5 ? le kigo ? le kireji ? Qu’est-ce qui te semble le plus important dans le haïku ?

S.B : J’ai adoré les découvrir, jouer avec, lire « Le haïkaî selon Bashô » traduit par René Sieffert  (retranscription des propos du maître par ses disciples, le meilleur et le plus passionnant des cours de haïku possible) et tenter de comprendre l’importance de chacune. Je ne crois pas que cette approche asiatique des choses et du monde soit, comme l’on dit parfois, inaccessible aux occidentaux. Elle est juste différente. Mais il faut plonger assez profond dans la sensation que procure l’application de chacune de ces règles pour s’apercevoir de leur véritable intérêt… et du manque en cas d’absence. Donc beaucoup pratiquer.

L.P : Sur quels thèmes aimes-tu écrire ?

S.B : Sur les miracles minuscules. Écrire, retranscrire ces manifestations, ou les imaginer (« mais que pense ce bloc de pierre, en ce moment précis ? Quelles questions se pose-t-il, lui ? Qu’est-ce qui, dans ce que je vois, me permet de le penser ? ») m’oblige à être attentif à cet essentiel.

L.P : Que penses-tu de la « poésie engagée » ? Crois-tu que le haïku y a sa place ? Doit-il dénoncer, accuser, défendre ou rester neutre ?

S.B : C’est une vraie question pour moi. Surtout en temps de crise. Mais je crois qu’il vaut mieux, hors circonstances vitales, sortir la poésie de toutes contraintes conjoncturelles, elle ne porte que plus fort et plus loin. Si l’on parle d’engagement porte-voix, lié au collectif, le haïku me semble être la dernière forme à pouvoir jouer ce rôle. En revanche, si l’on parle d’engagement intime au monde, il est l’une des formes la plus puissante, effaçant le « je » au bénéfice de la célébration des tressaillements qui nous bouleversent dans ce qui nous est offert. (…)

 

Août : Haïkus du jardin

Avec ta gueule trouée
rabaissée jusqu’au sol
que dis-tu de ta vie –

Feuille ?

Septembre : Notes sur la poésie (11) : du désert

À quoi bon la poésie ? La poésie ne change pas le monde. Pas de révolution. Pas de faille révélée qui laisserait surgir la lave annonciatrice d’une transformation. La même monotonie, les mêmes joies, les mêmes compromissions. Ce qu’elle modifie, c’est la formulation de notre existence, par la précipitation de mots que nous n’aurions pas pensé à mettre ensemble sans l’espace-éprouvette du poème. Ce précipité est l’invention poétique, portant parole renouvellée. Le caillou reste le caillou, mais réenchanté.

Le rêve du désert n’est pas le désert. Mais pour peu que l’on s’attarde sur sa formulation, pour préciser le toucher du sable, l’odeur des mousses, la forme de ses bêtes improbables, ce rêve devient valable. Expérience sensible fixée par le poème. À transmettre et, si le lecteur amorce, à partager.

Octobre : Elles #6 : Élise

Elles, un projet poétique et graphique réalisé avec l’illustrateur ®obin.

 

L’espérance d’une brise
qui saurait réunir
devant cette évidence

Et qu’un silence
utile.

Novembre : Partition de poche

Retenir l’émotion

Jusqu’à pouvoir saisir
l’exacte combinaison

Puis pianoter l’angoisse.

Décembre : Horloges

À l’hôpital, les horloges ne marquent plus l’heure. Elles se sont arrêtées pour respecter le temps que les hommes s’accordent dans leurs circonstances. L’écart serait trop grand entre deux écoulements. Elles préfèrent s’abstenir en laissant libre cours.

 

 

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